Louis Couffignal
Trait d'union
entre bastide et cybernétique
 
 
 
 
Qu'y a-t-il de commun entre la Bastide de Monflanquin et la cybernétique sinon LOUIS COUFFIGNAL, né à Monflanquin au début de ce siècle et co-fondateur de la cybernétique qui, en cette fin de siècle, investit de plus en plus non seulement notre quotidien mais surtout les laboratoires, les usines performantes etc …. .
 
Au point de donner raison â COUFFIGNAL qui terminait la préface de son livre "Les machines à penser" en ces termes : "Ce voyage au royaume des sciences conduit parfois le lecteur près des frontières d'où se découvrent dans la grisaille des lointains les masses imprécises d'édifices que l'on devine néanmoins puissants et somptueux, qui éveille en lui le désir d'explorer ces terres nouvelles"... le territoire de la cybernétique.
 
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- Cybernétique et révolution post-industrielle
 
Pour mieux comprendre l'importance du domaine auquel COUFFIGNAL a attaché son nom, il est utile de se donner rapidemant quelques éléments d'appréciations.
 
Le mot   "cybernétique" utilisé par WIENER, pour la première fois en 1948, trouve ses racines dans le substantif grec "kybernétés" (pilote de navire) et se définit - dans l'esprit de WIENER - par : "Science de contrôle et de la communication chez l'animal et dans les machines".
 
Cette définition repose sur le raisonnement selon lequel si l'on peut construire des machines capables de faire montre des mêmes comportements que l'homme c'est que les principes mis en oeuvre dans les deux cas sont identiques; et si l'on admet cette analogie il est possible d'étudier dans un même cadre tous les comportements finalisés, qu'ils soient le fait de la matière vivante ou de la matière inerte. C'est explosif !!
 
Certains cybernéticiens affirment qu'il n'est probablement aucun domaine de la pensée ou de l'activité matérielle de l'homme dont on puisse dire que la cybernétique n'y aura pas, tôt ou tard, un rôle à jouer.
 
Pour mieux faire admettre cette affirmation des biologistes et des ingénieurs de Bristol ont créé très tôt des tortues mécaniques assez complexes pour contourner les obstacles ou se brancher d'elles-mêmes à des sources d'énergie; ces "Machines - Réflexes" ouvraient la voie il y a déjà pas mal d'années à la recherche de "machines capables d'apprendre", c'est à dire supérieures à leurs constructeurs.
 
Ce passage de l'automatisation (où la machine agit en fonction d'ordres reçus) à l'automation (où la machine agit en fonction des objectifs choisis), précise les bases de la révolution post-industrielle en cours où les machines se contrôlent elles-mêmes.
 
Les tortues de Bristol, démonstration spectaculaire des possibilités de l'automation, ouvraient en même temps un champ immense aux chercheurs de tous ordres. C'est LABORIT, pour ne citer que lui, qui s'interroge sur "La cybernétique et la machine humaine", mais ce sont d'autres aussi qui le font sur la médecine, la pédagogie, l'art, la société, la philosophie. Que tant de domaines soient touchés par la question cybernétique conforte le titre d'un ouvrage dont quelques chapitres ont été rédigés à Monflanquin dans les années 1980 :  "La machine à faire sauter les couvercles".
 
Il n'est pas jusqu'au cinéma, reflet d'une époque, qui ne soit intéressé. La cybernétique ! C'est l'ordinateur qui éprouve des sentiments humains dans "2001 Odyssée de l'Espace"; ce sont les robots et androïdes, arrières petits fils des Tortues de Bristol, héros de "La guerre des Etoiles "... C'est surtout une prise en compte par l'imaginaire des jeunes générations d'une évolution en cours, meilleure façon peut-être de la mesurer et la dominer.
 
 
- Louis Couffignal et Cybernétique
 
Mais quels rapports entre la cybernétique et Louis COUFFIGNAL ?
De cet homme dont on a pu dire "votre ambition était de contribuer à l’amélioration humaine et pour cela vous vous tourniez vers toutes les disciplines où vous pensiez que la cybernétique était en mesure d’ aider. Et l'on pouvait tour à tour vous croire médecin, juriste, sociologue, économiste. . .".
 
En fait, après son agrégation, GOUFFIGNAL envisage, de son propre aveu, de faire une thèse de logique symbolique et finalement se tourne vers les machines et la logique mécanique.
 
Une première note qu'il envoie à l’Académie des Sciences, en 1930, est consacrée à une nouvelle machine à calculer. En 1932, il donne au Collège de France une conférence sur les "machines à calculer, leur principe et leur avenir". En 1936, paraît la note décisive sur "l’emploi de la numération binaire dans la machine à calculer"; c’est l’utilisation pratique de l’arithmétique binaire découverte jadis par Leibniz. L’innovation n ‘est pas des moindres puisque c’est là la préfiguration des ordinateurs.
 
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Dés 1938, Louis COUFFIGNAL publie un article où il définit les machines comme "un ensemble d’êtres inanimés ou partiellement animés ou même exceptionnellement animés capables de remplacer l’homme" … et plus loin : "Puisque la machine est faite pour l’homme, il est du domaine de l’analyse mécanique d’acquérir une vue d’ensemble des diverses activités où l’homme a été ou pourra être remplacé par la machine, et d'établir des lois de substitutions".
 
La même année 1938, devient Docteur es Sciences grâce à sa thèse "L'analyse mécanique, application aux machines à calculer et à la mécanique céleste", qui pose les principes du calculateur universel binaire électro-mécanique.

 

Fort de ce principe, COUFFfGNAL, en 1941, rencontre une trentaine de fois le grand physiologiste Louis LAPICQUE pour comparer le système nerveux et la machine.. C'est la voie qui mène à la cybernétique.
 
En 1946, durant un voyage aux Etats Unis, il rencontre pour la première fois Norbert WIENER qui s'intéresse au rapprochement entre les comportements finalisés de la :machine et ceux de l'animal. WIENER vient à son tour en France rencontrer Louis LAPICQUE, préoccupé par les mêmes problèmes, et Louis COUFFIGNAL qui. travaille à la construction d'une machine à raisonner en utilisant le langage binaire. Pour les trois hommes c'est une période d'activité scientifique intense qui conduit, en 1948, WIENER à la publication à Paris de son ouvrage, en anglais, "Cybernétics", considéré comme la charte de la cybernétique..
 
wpe229.jpg (16171 octets)En Janvier 1951, COUFFIGNAL organise à Paris le Colloque International du CNRS sur "Les machines à penser" où se côtoient les plus grands spécialistes de la cybernétique : WIENER, ASHBY, McCOLLOCH, Grey WALTER. Trois mois après, parait son livre fondamental "Les machines à Penser ". Livre fondamental qui relance Louis COUFFIGNAL vers l’élargissement de ses propres conclusions.
 
En 1953, il arrive à la définition célèbre "La cybernétique est l’art de l’efficacité de l’action".
 
En 1957, il fait connaissance de l’économiste François PERROUX et rédige quelques articles sur  "Cybernétique et Economie". En même temps, la lecture de Gaston BERGER le pousse à distinguer les notions de civilisation collective et de culture personnelle, distinguo qui le ramène à la pédagogie.
 
 
En 1963, il s’intéresse plus particulièrement aux applications de la cybernétique à la pédagogie et préconise de développer l’esprit scientifique dans la jeunesse par une initiation culturelle et un dialogue suivi entre savants, techniciens et jeunes. C’est dans cet esprit qu’il accepte la présidence de l’Association Nationales des Clubs Scientifiques et qu’il rédige un livre sur la pédagogie cybernétique. En 1963 également, il préside l’Association Internationale de Pédagogie Cybernétique  après avoir fondé, en France, le mouvement de pédagogie cybernétique et dirigé sa revue.                                         
 
 Que de chemin parcouru depuis sa première note, en 1930, sur "la nouvelle machine à calculer" jusqu'à son dernier ouvrage, en 1965, "La cybernétique" en passant par "La machine à penser" en 1952, et  "Les mécanismes du raisonnement " en 1963; sans oublier ses nombreux articles dans les revues scientifiques, mathématiques, économiques, pédagogiques. Un ensemble de recherches qui font de ce Monflanquinois un des co-fondateurs de l'ordinateur et de la cybernétique.
 
- Le monflanquinois Louis Couffignal
 
De cet homme, illustre fondateur de l'Association Internationale de la Cybernétique dès 1956, un de ses contemporains a pu dire : "On est tenté de rapprocher la figure de Louis COUFFIGNAL de celle du grand savant français qui comme lui était inspecteur général et comme lui avait une curiosité d'esprit universelle. Je veux parler d'André Marie AMPERE. Mais deux autres points les rapprochent : une bonté quasi universelle et aussi et surtout cette Joie de connaître."
 
Cet homme, mondialement cornu, qualifié par ailleurs de génie, est né à Monflanquin, aux Fâcheries plus précisément, au soir du 16 Mars 1002, dans une famille humble : son père Guillaume COUFFIGNAL alors âgé de 44 ans, est chef cantonnier, sa mère, Marie née DEROUX, âgée de 31 ans, est tailleuse de robe.
 
Quelques années plus tard, il fait ses études primaires à l'école, de garçons de Monflanquin, sur le Cap del Pech. Puis de 1913 à I920 il. est boursier au Collège et au Lycée de Villeneuve sur Lot où il obtient les baccalauréats latin, sciences et mathématiques. Il s'oriente, alors, vers des études supérieures.
 
De 1924 à 1926, il exerce en qualité de Chargé de Cours - Paul Guth sera un de ses élèves - dans ce même Collège où il a été lui-même élève, ce qui, lui permet de préparer 1'agrégation qu'il obtient en 1927. Parallèlement il se confirme être un   violoniste.
 
 Après cet épisode villeneuvois, sa carrière - avant guerre - le mènera au Lycée de Pontivy et de Lorient, puis à l'école navale de Brest, enfin au lycée Buffon à Paris.
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Fin 1944, nommé commandant pour la circonstance, Louis COUFFIGNAL est chargé au sein des Forces Françaises de récupérer - au fur et à mesure de l'avancée alliée en territoite allemand - du matériel de calcul ainsi que de l'outillage d'Enseignement Technique. Sa mission achevée, Louis COUFFIGNAL est nommé, en 1945, Inspecteur de l'Instruction Publique et Directeur de l'Institut Blaise PASCAL de calcul mécanique (CNRS). Il devient l'un des plus robustes piliers de l'enseignement technique.
 
Il n'en abandonne pas pour autant ses travaux, sa participation aux colloques internationaux et ses missions à l'étranger. Il développe, entre autre, le premier prototype français d'ordinateur.
 
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La machine à calculer universelle par Louis Couffibgnal

 
 
Pendant plus de vingt ans, il se dévoue pour les établissements de l'enseignement technique de tous niveaux:. C'est lui qui avait été chargé de rapatrier le matériel. d'atelier des écoles d'enseignement technique emporté par l'occupant; c'est à lui maintenant qu'est confié l'essor de l'enseignement technique, la réforme des écoles nationales d'ingénieurs; c'est encore son avis qu'on sollicite quand il s'agit d'établir ou de modifier tel ou tel programme.
 
 
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Le monflanquinois Louis COUFFIGNAL meurt le 04 Juillet !966, aussi. regretté dans les milieux de l'Enseignement Technique en France que dans les milieux scientifiques du monde entier. Le petit garçon, qui jouait dans les chemins des Fâcheries - au risque d'être enlevé à l'âge de six ans par  une roulotte rattrappée par des témoins - et qui remontait gaillardement les rues menant à son école primaire de Monflanquin, ne pensait certainement pas être promu à tarit de renommée en étant au rendez-vous de la cybernétique.
 

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 Le rapprochement "Bastide /Cybernétique" opère un télescopage inattendu entre les noms des deux personnages les plus connus de Monflanquin : Alphonse de POITIERS dans le monde des Historiens et. Louis COUFFTGNAL, dans celui des cybernéticiens : Alphonse   de POITIERS a décidé de la
naissance de Monflanquin – bastide orthogonale - où est né Louis COUFFIGNAL propagateur du calcul binaire.
 
Equation de la rationalité qu'un ordinateur pourrait poser de la façon suivante :
 
Alphonse de POITIERS = M0NFLANQUIN = COUFFIGNAL
 
BASTIDE = MONFLANQUIN = CYBERNETIQUE
 
 
Ainsi MONFLANQUIN est placée à l'intersection de la "conception de villes pensées" du XIII° siècle, et de la "conception de machines à penser" du XXI° siècle. Au point de rencontre d'un héritage du passé et d'une projection vers l'avenir, ce qui symbolise l'un des problèmes majeurs à résoudre pour notre époque: Tradition et Modernité .
 
 
Georges 0 D 0
Sous les Arcades n° 301.302
1991
 
 
 
B I B L I 0 G R A P H I E
 
- "Le dossier de la cybernétique" -Marabout Université 1968
 
- "La cybernétique et ses théoriciens" - Delpech J.L Ed. Casterman I972.
 
- "Les machines à penser" - Couffignal L. Ed. de Minuit 1952.
 
- "La cybernétique" - Couffignal L. Que sais-je n° 638.
 
- "La machine à faire sauter les couvercles" - René Ailhaud.
 
- "Louis CCUFFIGNAL" - Sous les Arcades n° 89   19'73.
 
- "Rapport du L.P Louis Couffignal de Villeneuve sur Lot" fourni obligeamment par Monsieur ALVAREZ 1990.
 
- "Document de la Mairie de Monflanquin" - 1990
 
Illustrations ajoutées :
 
 - Documents aimablement fournis par M. Couffignal Paul
 
 - Documents puisés dans la remarquable exposition du Lycée L. Couffignal de Villeneuve sur Lot

 

 
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"Revue Europe"  Article corrigé par L. Couffignal

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Biographie et Bibliographie de L. Couffignal
 
La naissance de l'ordinateur
 
Calliope, littératures informatiques, nouveaux supports, nouvelles écritures, nouvelles lectures. Expérimentations.
 
.Couffignal : article de Patrick Saint-Jean