la Mairie
de Monflanquin
 en 1816
 
Le 18 juin 1815, Waterloo sonne le glas de Napoléon I° et ouvre la voie aux Bourbons, de retour en France pour la seconde fois en quelques mois : la deuxième Restauration, sous l’autorité de Louis XVIII, s’installe.. .
 
A Monflanquin, monsieur de Passalaigue Gabriel - maire "remplacé" dans ses fonctions pendant les Cent Jours - retrouve sa charge dès le 21 juillet dans un climat très partagé à Monflanquin. Les uns défilant en cortège derrière un drapeau blanc, les autres entonnant des chansons favorables à l’Empereur.... Le maire quant à lui, dans ses rapports adressés aux autorités de l’arrondissement et du département, s’évertue à minimiser les incidents qui émaillent, dans sa commune, les débuts de la Deuxième Restauration. Tensions minimes si on les compare à ce qui se passe en d’autres lieux où les "ultra" prennent leur revanche et se lancent dans les excès de "la terreur blanche".
 
Tensions que doivent cependant gérer les édiles locaux, dans la mesure de leur autorité. Ce qui pose le problème d’une part du mode de fonctionnement de la mairie et d’autre part de la personnalité du responsable légalement investi : le maire. L’année 1816 offre la possibilité de répondre à ces questions.
 
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La municipalité de Monflanquin en 1816
 
La commune de Monflanquin, sur laquelle s’exerce l’administration de la mairie, englobe à cette époque douze sections ou paroisses : Roquefère, Tayrac, St Hilaire, St Caprais, Monflanquin, St Avit d’Aleyroux, Calviac, Labarthe, Corconac, La Sauvetat, Crouzillac et Lamothe Fey. Avec son étendue et les 5.098 habitants, que mentionne le cahier de gestion municipale, c’est la plus importante commune de l’arrondissement après celle de Villeneuve-sur-Lot.
 
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signature de Passalaigue

Le conseil municipal est à Monflanquin constitué de vingt membres, choisis par le préfet sur des listes de confiance et désignés pour vingt ans avec renouvellement par moitié tous les dix ans (1). En vertu de la loi de Thermidor an X, le maire et ses deux adjoints sont choisis, parmi les membres du conseil, par le chef du gouvernement puisque la commune de Monflanquin a plus de 5000 habitants. La durée de leurs fonctions non prévues en l’an VIII a été fixée en l’an X à cinq ans, elles peuvent être renouvelées..
 
Après Waterloo et le retour de Louis XVIII, sont en place  à la municipalité de Monflanquin trois catégories de conseillers (2):
 
- Le premier groupe réunit les conseillers déjà en place sous l’Empire et qui ont accepté les Cent Jours : Brugère Jean, Capdeville Jean Baptiste, Demichel Pierre, Doumier St Paul Jean Guillaume, Gardés Joseph, Garrigou Louis, Gibert Jean Baptiste, Goudail Guillaume, Combe Michel, Passelaygue Jacques. C’est le groupe le plus nombreux avec dix membres, soit presque la majorité à lui seul.
 
- Le second groupe comprend les conseillers déjà en place sous l’Empire mais qui ont refusé les Cent Jours : Andreau, Bach de Siorac Jean Alain, Becais Lacaussade Thimotée, Berail Listrac Jean, Passalaigue Gabriel le maire, Vernejoul François. Au total six membres.
 
- Le troisième groupe concerne les conseillers n’ayant servi l’Empereur ni avant ni pendant les Cent Jours : De Poulain de Trémons, Deytier Étienne, Issartier Jacques, Védrine Antoine. Soit une minorité.
Une telle cohabitation laisse penser que le conseil municipal de Monflanquin dans son ensemble ne comprend guère "d’intégristes" bonapartistes ou monarchistes.
 
Globalement, c’est un noyau relativement stable de notables locaux qui gère la municipalité en s’adaptant aux aléas de la politique nationale :
 
Le 23 janvier 1813, sous l’Empire, ils sont unanimes à signer l’adresse à l’Empereur : "Quand le peuple Français forma le désir de réparer les maux de la Patrie, il vous plaça au faîte de la puissance, mille bienfaits sont sortis de vos mains glorieuses pour justifier ce grand acte de la volonté nationale".
 
Le 17 avril 1814, au moment de la première Restauration, changement total de ton : "Le conseil municipal de Monflanquin ayant appris avec des transports de joie les événements qui ont délivré la France de la tyrannie qui pesait sur elle depuis vingt ans et qui lui rendent le chef de la famille des Bourbons Louis XVIII, son Roi légitime, s’est spontanément assemblé et a voté l’adresse ci-jointe à son Altesse Royale le Duc d’Angoulême...". Et comme la jurade le faisait déjà au XVII° siècle, trois émissaires sont envoyés à Bordeaux pour témoigner de leur allégeance au pouvoir en place.
 
Le 21 mai 1815, pendant les Cent Jours, une bonne partie des mêmes signataires précédents sont appelés individuellement à prêter serment à haute et intelligible voix "Je jure obéissance aux institutions de l’Empire et fidélité à l’Empereur". En conséquence de quoi ils demeurent installés dans leurs fonctions de membres du conseil municipal.
 
Le 27 juin 1816, pour fêter le premier anniversaire de la seconde Restauration, les conseillers, les mêmes pour l’essentiel, rédigent une adresse faite au Roi : "Nous n’en doutons pas, Sire, la sage administration que vous avez établie réparera nos maux, cicatrisera nos blessures et replacera la France dans le rang qu’elle doit occuper. Nous ne cesserons, Sire, de demander au ciel la conservation de votre personne chérie et celle de votre auguste famille... La Providence accordera les plus longs jours à Votre Majesté, comblera vos vœux et les nôtres, en bénissant l’heureuse union qui fait la joie de tous les bons Français, et, en perpétuant à jamais votre illustre race, assurera le bonheur de nos descendants et transmettra d’âge en âge, à la postérité la plus reculée, et vos vertus et notre amour." 
 
Passalaigue, maire jusqu'en juin 1816.
 
Passalaigue Gabriel n’est pas un nouveau venu, apparaissant avec la mise en place d’un nouveau régime politique. Il appartient au second groupe des notables qui avait servi l’Empire, mais en évitant de le faire à l’occasion des Cent Jours.
 
En effet, il avait assumé longuement sous l’Empire les responsabilités de maire.... En 1802, avant même l’instauration du dit Empire, il était déjà en place puisqu’il signait en tant maire de Monflanquin l’acte de décès de Louis Gabriel Passelaygue de Secrétary, ancien gouverneur de la Dominique aux Antilles (3). De 1803 à 1807 il est président du canton (4).
 
Pourtant, malgré cette longue collaboration avec l’Empire, il n’avait pas hésité, à l’occasion du remplacement de cet Empire Napoléonien par la première Restauration, à se rendre à Bordeaux en avril 1814, accompagné de MM. Vernejoul et La Caussade, pour présenter au duc d’Angoulême les vœux de bienvenue de Monflanquin aux Bourbons. Vœux votés en séance du 17 Avril par le conseil municipal.
 
Cette prise de position officielle l’avait amené lors du retour de Napoléon quelques mois plus tard à prendre prudemment ses distances vis à vis des Cent Jours, mais lui avait permis également de revenir en charge une fois assurés et le départ définitif de Napoléon I° en juin 1815 et le retour au pouvoir des Bourbons.
 
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Tout cela fait que Passalaigue Gabriel est responsable de la municipalité quand débute, sous l’égide de la monarchie des Bourbons, l’année 1816.
 
C’est donc à son titre de maire qu’il doit de présider à la mairie le 20 janvier l’inauguration du buste de "Louis le Désiré", son discours étant prolongé des cris de "vive les Bourbons" entonnés par la foule présente.
 
Le 21 janvier, date anniversaire de la mort de Louis XVI, c’est lui encore qui mène le cortège de l’hôtel de ville à l’église pour la cérémonie funèbre au cours de laquelle le curé Lapeyrière va lire le testament du défunt roi. Pendant toute cette journée commémorative, profondément royaliste, les magasins restent fermés et les travaux sont interdits.
 
Les semaines qui suivent ne sont pas des plus faciles à gérer pour cet homme qui ne cesse de se montrer pondéré dans l’exercice de ses fonctions. Il lui faut compter avec la poussée des ultras qui continue à se manifester, même si ses caractéristiques n’atteignent pas les excès signalés ailleurs dans le royaume. A Monflanquin, la chasse des catéchismes impériaux, et surtout de leurs détenteurs, est à l’ordre du jour. Par ailleurs, signe du rapprochement des ultras avec une église attentive à retrouver son audience sinon son influence, la vente des boissons est interdite pendant les services divins..
 
Le mois de mai se passe sans que la réunion sur le budget, pourtant formellement fixée par la loi à cette date, ait lieu. Et à la réunion extraordinaire qui suit, le 25 juin, c’est Bécays Lacaussade qui préside. Ce qui confirme donc le retrait de Passalaigue Gabriel, non seulement en tant que maire mais également en qualité de conseiller municipal ; retrait certainement lié à son état de santé puisqu’il meurt le 22 août suivant (5). 
 
Bécays Lacaussade, maire à partir de juin 1816.
 
Le 26 juin, le lendemain de la réunion extraordinaire, la réunion pour étudier le budget prévisionnel de l’année 1817 a lieu avec plus d’un mois de retard sur le calendrier normal. Ce jour là il se confirme que la mairie est placée sous la responsabilité du nouveau maire : Bécays Lacaussade Thimotée.
 
Son livre de raison (6) permet de situer son parcours pendant la Révolution. "J’ai quitté le régiment d’infanterie dans lequel j’ai servi, ainsi que celui de Normandie, l’espace de près de vingt et un ans en qualité de sous lieutenant et capitaine jusqu’au 1° juin 1792".. [C’est pendant ces années qu’il était entré dans la franc-maçonnerie à Quimper, en 1781 comme l’atteste son diplôme]... "et me suis retiré chez moi pour y vivre paisiblement au milieu des troubles de la Révolution. Mais je n’ai pas été à l’abri des calomnies"... de sous officiers et officiers du 1° bataillon du 10° régiment d’infanterie qui accusent "le scélérat de n’avoir jamais servi que les rois"... "Le mois d’octobre 1793 je fus arrêté chez moi en vertu de la loi du 17 septembre précédent et incarcéré dans la maison de réclusion d’Agen où j’ai (sic) resté treize mois au bout duquel temps je suis sorti par arrêté du représentant du peuple Isabeau en date du 26 vendémiaire an III républicain.", c’est à dire du 17 octobre 1794, quelques semaines après la chute de Robespierre. Les attestations élogieuses parvenues de son ancien régiment, en contradiction avec les dénonciations, et les témoignages de nombreux habitants de Lacaussade ont joué en sa faveur, alors que la Convention Thermidorienne réagit contre la Terreur jacobine.
 
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signature de Bécays Lacaussade

La mémoire familiale conserve le souvenir de l’acte téméraire de Marie de Vernejoul qui ayant loué une chambre d’hôtel prés de celle du conventionnel chargé des dossiers put, en passant par les cheminées, enlever dans les dossiers de son mari et de Bécays Lacaussade des papiers compromettants. Cet acte, en retardant les décisions, a permis de gagner un temps qui s’est révélé précieux.
 
Par ailleurs, une fiche du laissez-passer délivré à Bécais Lacaussade campe le physique du personnage dans ses grandes lignes: "Âgé de 32 ans, 5 pieds 3 pouces, yeux gris, menton relevé, barbe noire, nez gros, bouche grande, front large et découvert, visage ovale"...
 
Sa signature parait sur le registre de la municipalité de Monflanquin, en tant que conseiller, à la séance du 22 mars 1810 "après que le conseil ait préalablement procédé à son installation....  nommé par décret impérial du 29 septembre dernier" et "reçu de lui le serment prescrit par la loi" serment personnalisé d’obéissance aux constitutions et de fidélité à l’Empereur.
 
En avril 1814, avec Vernejoul, il accompagne à Bordeaux, le maire en titre Passalaigue Gabriel, pour témoigner de l’attachement de Monflanquin à la famille des Bourbons. Comme lui il se retire pendant les Cent Jours pour réapparaître avec la seconde Restauration. Il n’y a donc pas cassure nette de l’un à l’autre maire.....
 
Relations d'un maire avec le sous-préfet.
 
La lecture de la correspondance, adressée par le maire soit au procureur soit au Baron nommé sous-préfet à Villeneuve-sur-Lot, donne le sentiment d’une réelle liberté de ton de la part de Bécays Lacaussade (7) :
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- Il montre une pugnacité certaine quand il prend en charge une affaire qui lui semble ne pas recevoir de solution assez rapide. Le maire rappelle à l’occasion au procureur : "Je me suis fait honneur de vous écrire dans son temps pour vous inviter à vouloir bien poursuivre le nommé Comberouse contre lequel le sieur Larieu, préposé à l’octroi, avait adressé un procès verbal...L’absolu silence que vous avez gardé sur cette affaire est cause que cet individu ne cesse de commettre de nouvelles fraudes toutes les fois qu’il en trouve l’occasion et notamment" avec deux barriques de vin non déclarées.... Ne voyant toujours rien venir le maire s’adresse cette fois au sous-préfet copie de cette lettre au procureur et dénonce "le silence de ce magistrat" et "vous prie instamment de vouloir bien faire juger cette affaire".... Enfin il adresse à M. Gervais, contrôleur des contributions rurales, une lettre avec des extraits de la réponse du procureur du roi ; lequel se décharge, sur le service de contrôle, des poursuites demandées. Monsieur le maire n’en oublie pas pour autant le procureur en question pour lui rappeler qu’il reste tout de même à sa charge les voies de faits : "j’espère Monsieur que dans l’intérêt public vous voudrez bien ne pas retarder davantage cette affaire".
 
- Il donne sans ambages son opinion sur la situation générale: " Je citerai ici le proverbe vulgaire qu’ où il n’y a rien, le roi perd ses droits. Les frais que l’on ferait à cette époque ne produiraient que le désespoir et vous sentez Monsieur de quelles conséquences il pourrait être dans une année où les subsistances menacent d’être rares... J’invite donc monsieur le receveur de Villeneuve à se borner de presser les contribuables aisés. Je l’aiderai de tout mon pouvoir pour qu’il n’éprouve point de retard, mais je le préviens que je ne signerai aucun état de frais où figureront des personnes dont l’impossibilité me sera reconnue ; une autorité locale revêtue de la confiance publique doit être crue sur sa parole, et dans cette circonstance je réclame cette justice parce que je suis incapable d’en abuser et qu’elle m’est absolument nécessaire pour maintenir la tranquillité dans ma commune qu’une étincelle pourrait incendier comme toutes les autres, si des moyens paternels et je dirais surnaturels ne sont employés cette année pour conduire comme par enchantement la barque au port... "
 
- Il n’hésite pas à faire des suggestions personnelles concernant l’usage du budget départemental en faveur du paiement des mois de retard   dus aux nourrices des enfants trouvés :   " Le conseil général dans sa dernière session porta, je crois, en dépense sur son budget une somme de 6.000 francs pour l’acquit de cette dette. Si M. le préfet voulait solliciter l’ordre du ministre pour que cette somme fut mise à sa disposition elle aiderait quelques individus qui la réclament depuis longtemps "...
 
"Pesez bien je vous prie M. le Baron toutes les raisons que je vous expose et vous verrez combien est pénible la position d’un administrateur qui voit de si prés la calamité du peuple et qui ne peut la secourir ; il est cruel pour lui d’occuper une place et de ne pouvoir y opérer le bien qu’il entrevoit."
Bécays Lacaussade manifestera constamment cette attention aux situations difficiles de ses administrés et n’hésitera pas à le faire auprès des autorités du département. 
 
Attitude paternaliste face aux difficultés sociales.
 
Or l’année 1816, tant le contexte présente des moments délicats, lui donne l’occasion de faire la démonstration de cette préoccupation sociale qui est la sienne, de mettre en œuvre le principe de maire "paternel" auquel il se réfère expressément.
 
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Dans cet esprit, il n’hésite pas à intervenir auprès du sous-préfet pour obtenir une suspension de poursuites contre les petits contribuables "à cause de leur misère réelle et occasionnée cette année par la grêle, fléau qui nous a tellement accablé dans cette contrée que je ne sais comment l’administration fera pour pourvoir la subsistance des malheureux qu’il a fait ; c’est au point que journellement je suis accablé de demandes de blé pour semer. Jugez donc ce que cela fera dans l’hiver d’une manière si effrayante que le manouvrier ne trouve pas même déjà du travail".
Il intervient également auprès du même sous-préfet pour éviter la présence d’une garnison : "Il m’est revenu hier que M. Dubruel receveur des contribution à Villeneuve se disposait à envoyer incessamment la garnison à Monflanquin, à l’appel de faire rentrer les 9/12° des contributions de 1816 ; je me suis de suite transporté chez le percepteur M. Lescase .... Il reste un reliquat de 1.200 francs sur les 9/12° que M. Lescaze n’a pu encore verser à cause des difficultés de faire payer force petits articles que la grêle a empêché d’acquitter encore et pour lesquels je vous avais prié de solliciter un sursis... D’après cela, j’espère Monsieur que vous voudrez bien arrêter les démarches de M. Dubuel et de ne pas constituer les frais des pauvres misérables qui, dans ce moment-ci, pour la plupart emploient le peu de ressources qu’ils ont à acheter du blé pour ensemencer leur terre (ce qui occasionne sur nos marchés une hausse qui dépasse le prix des marchés de Villeneuve) tandis que d’autres en sont aux expédients pour se procurer de quoi semer... A l’exemple de plusieurs communes... les fléaux qui ont accablé cette année la partie Nord du département"...
 
Il se fait une obligation de ne pas perdre de temps, sous quelque prétexte que ce soit, pour apporter des solutions aux problèmes de la commune. Il convoque ses conseillers municipaux en ces termes : "Le mauvais temps qu’il a fait est cause que la séance du conseil municipal pour laquelle je vous avais convoqué n’a pu avoir lieu. Mais il est très important que l’objet des chemins vicinaux et l’intérêt des pauvres soient discutés au plus tôt ; en conséquence je vous invite instamment à vouloir bien vous réunir à vos collègues jeudi prochain 26 du courant à l’hôtel de ville à 1 h. après midi..... j’espère que vous sentirez assez l’importance de cette délibération pour mettre tout l’empressement possible à vous rendre au rendez-vous..."  
 
Souci d'efficacité face aux problèmes.
 
Ces difficultés sociales résultent des conditions économiques comme Bécays Lacaussade le rappelle lui-même dans la plupart de ces lettres. De même il souligne que ces difficultés risquent de provoquer des troubles dans la population.
 
- La première chose à faire est donc de disposer d’un état des lieux sérieux. Les rapports que la mairie se doit de faire favorisent cette approche.
 
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Le secteur le plus immédiat : les prix pratiqués sur les marchés. Le maire répond donc très favorablement aux enquêtes sur les prix réclamées par le préfet : "J’ai l’honneur de vous faire l’envoi du grand état représentant les quantités et les prix moyens des denrées vendues aux marchés de Monflanquin pendant la dernière quinzaine... Je sais combien il importe au gouvernement de fixer les regards sur la situation des approvisionnements...". En effet l’hectolitre de blé est passé, en francs constants, de  23 frcs en 1810 à 27 frcs en mars 1816 et grimpe brutalement à plus de 29 frcs en avril de la même année.... d’où les tensions au marché du 31 mai.
 
Les chemins vicinaux méritent eux-mêmes une attention soutenue. S’adressant au sous-préfet : "Je me suis empressé de nommer les commissaires pour faire le relevé de tous ceux de la commune..." Un bilan plutôt sombre là aussi.
 
- La seconde opération à envisager est de passer ensuite rapidement à l’action. Il propose donc au sous-préfet : "Comme cette opération traînera en longueur et que l’état de délabrement des chemins vicinaux de cette commune réclame des promptes réparations, je vous prie monsieur d’inviter monsieur le préfet à faire procéder dans cette campagne à la réparation des chemins de Monflanquin à Villeneuve, à Castillonnès, à Villeréal et à Fumel qui sont ceux dont l’urgence se fait le plus vivement sentir".
Aux commissaires nommés par le conseil municipal, MM. Persy père, Cassany, Mazel et Bérail Listrac, il demande "de parcourir la route de Monflanquin à Villeneuve dans l’étendue de la forêt et de faire état de ce que pourrait coûter ces opérations. Je vous messieurs de vouloir bien apprécier les avantages qu’en retirera le commerce de cette ville et celui de tout le pays.." Du bilan à l’action !
Cette promptitude à réagir, le maire en fait preuve également quand il s’agit de s’élever contre les jeux de hasard : "Les soins que je me suis donné pour [interdire le baccara] sont entravés par l’assurance que l’on me donne que le jeu dit le 21 ne fait point parti de la nomenclature des jeux de hasard, et que s’il n’est point permis, il est du moins toléré dans différentes villes du département et nommément dans celle d’Agen. Comme je suis convaincu que ce dit jeu de 21 est devenu un baccara déguisé par la manière dont il se joue, je serai bien aise de savoir de quelle nature monsieur le préfet le qualifie. Dans le cas que M. le préfet le considérerait comme un jeu de hasard, je désirerais que ce magistrat voulut en faire le sujet d’une circulaire à MM. les maires parce que vous sentez facilement qu’il est nécessaire que les mesures soient générales dans le département ; la tolérance que pourrait mettre quelques administrateurs mettrait les autres en bute au mécontentement qu’exciterait leur sévérité...". Désireux d’agir mais lucide et pragmatique.
 
Assurer le maintien de la sécurité n’est pas le moindre des soucis d’un maire en poste. A Monflanquin l’organisation de la Garde Nationale est plus théorique que réelle avec ses huit cent quarante hommes comme objectif ; en fait l’effectif se résume à quelques Gardes Nationaux qui participent aux cérémonies commémoratives officielles. Autre souci : les demi-soldes, ces officiers de l’armée de Napoléon radiés des cadres. Pour toucher leur solde, il leur est fait obligation de se présenter le 25 de chaque mois, en uniforme dotés de boutons à fleurs de lys ; mesure mal vécue...
D’une part un manque notable de moyens d’intervention, de l’autre un malaise politique entretenu et qui se superpose à une situation économique et sociale tendue. Dans une telle conjoncture, l’efficacité du maire et sa promptitude à réagir sont des atouts non négligeables.
 
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La municipalité de Monflanquin, en 1816, est sous la responsabilité de deux maires successifs, MM. Passalaigue gabriel puis Bécays Lacaussade, qui ont pour point commun semble-t-il leur modération.
Attitude d’abord en rupture avec le gouvernement des ultras, en place jusqu’au 5 septembre 1816 date à laquelle Louis XVIII signe l’ordonnance entraînant la dissolution de la "chambre introuvable".... Attitude ensuite plus conforme au contexte politique national, après les nouvelles élections qui envoient au pouvoir des royalistes plus mesurés et regroupés autour de Molé, Descaze, du duc de Richelieu dans un parti que l’on peut appeler le parti constitutionnel ; pour ces royalistes l’objectif était, au-delà de leurs divergences, l’application loyale de la Charte, sans excès.
 
A Monflanquin même, ces deux maires bénéficient au demeurant de la permanence à leur côté d’un ensemble de conseillers municipaux, dont un fort noyau se maintient en poste quelques soient les ruptures politiques au plan national.
 
Cet "engagement modulé"  dans le temps, et modéré face aux nécessités du moment, semble prolonger ce qui s’était déjà passé sous la Révolution., même quand la Terreur était à l’ordre du jour. Impression qui mérite, pour le moins, d’être vérifiée avant que d’en faire une conclusion définitive.
Odo Georges
SLA 1998
 

 
 
Bibliographie :
1 - Sautel gérard : " Histoire des institutions publiques " - Précis Dalloz 1990
2 - "Registre des Délibérations du conseil municipal de la commune de Monflanquin 4° Arrond.t du départ. de Lot et Garonne".
3 - Bourrachot L. "l.-g. de Passelaygue de Secrétary..." - Revue Agenais 1976
4 - Furlan jean michel "Famille Passelaygue, les émigrés" - Notes personnelles
5 - Masset andré "Famille Passelaygue" - Notes personnelles
6 - Archives Départementales d’Agen : 54 J 58
7 - "Registre de Correspondance Générale, commune de Monflanquin. 1816-1835" - Mairie de Monflanquin